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Jour 358 : Nouvelle n°19

- Je l'aimais -

Je me suis enfin décidé. Après tant d'années à ne rien dire, à garder pour moi seul ce lourd secret, je vide mon sac. Par écrit dans un premier temps. Ecrire me semble plus facile pour expliquer le calvaire qu'à été ma vie ces dernières années. Je ne suis pas fier des faits que je vais exposer mais heureux d'avoir le courage d'avouer...

Je m'appelle Paul, j'ai 56 ans et j'ai été un homme battu. J'avais trente six ans lorsque je me suis marié avec elle. Nous nous sommes rencontrés par l'intermédiaire d'amis communs. Le courant est tout de suite passé entre nous. Elle riait à mes blagues et j'aimais la regarder dormir. Nous avons été longtemps heureux...

Mais un jour tout a basculé. Licenciée par son patron pour causes de retards répétés ; j'ai appris plus tard qu'elle avait un amant ; elle s'est refermée tout doucement sur elle même. Elle avait 46 ans lorsque c'est arrivé. Un âge où il commence à être difficile de retrouver un emploi. C'est vrai... Pourquoi embaucher une presque quinquagénaire alors que l'on peut avoir plus jeune sur le marché ? Plus jeune et donc moins payée. Elle n'a pas réussi à rebondir et a sombré lentement dans la dépression. Je ne savais pas quoi faire pour l'aider...

A cet instant, ce n'est pas seulement sa vie qui a basculé. La mienne aussi. Je ne pouvais plus rien faire. Pensant que cela allait l'aider, elle s'est mise à boire et à prendre des cachets pour lutter contre la dépression. Résultat ? Elle ne cessait de s'enfoncer dans un mal-être qui lui collait à la peau. Elle a donc commencé à surveiller mes allers et venues. Il ne fallait surtout pas que je rentre en retard du travail sous peine de subir un interrogatoire appuyé. Même son de cloche pour répondre à mon portable. Si j'avais le malheur de ne pas décrocher, j'avais droit à un message incendiaire sans queue ni tête de plusieurs minutes. Elle était devenue le diable. Ma maison, mon enfer...

Un soir qu'elle avait trop bu, nous nous étions encore disputés, je n'ai pas vu son geste venir. Hors d'elle, pour je ne sais plus quelle raison, elle m'a giflé violemment. J'étais sonné. Jamais personne n'avait levé la main sur moi. Jamais je n'avais ressenti une telle douleur. Douleur finalement plus mentale que physique. Mon égo a pris un coup ce soir là. Je n'ai pas su quoi dire. Je n'ai pas répondu. Devais-je pleurer ? Ou bien la gifler à mon tour ? Je ne savais pas. J''étais blessé. Je n'ai rien fait... Je n'ai rien dit...

Cet acte aurait pu rester isolé. J'aurai pu oublier. Mais ce soir là, elle s'est découvert un nouvel exutoire à sa tristesse. L'alcool lui donnait la force de commettre l'irréparable. Je lui laissais la liberté de le faire. J'étais incapable de me protéger face à cette femme que j'aimais... Que j'avais aimé... J'étais faible. J'avais honte. Cela a duré cinq ans. Cinq années à subir. A ne rien dire, à mentir à mon entourage afin de préserver l'image du couple parfait que les gens avaient de nous. J'étais vide. Elle était pleine à sa façon. Pleine de haine, d'alcool, de mélancolie... Il n'y avait plus rien entre nous. Sauf des coups... Ses coups...

C'est un soir de décembre, après m'être retrouvé à l'hôpital que j'ai décidé que je devais mettre fin à cette situation. J'ai enfin avoué au docteur qui s'occupait de moi que ma femme me battait. Il m'était difficile de le cacher avec deux côtes cassées et le visage tuméfié. La justice a ensuite fait le reste. Nous nous sommes séparés et j'ai décidé de tourner la page...

Je vis aujourd'hui à New York. Poussé par ma nouvelle compagne, qui affiche dix ans de moins que moi au compteur, je me suis décidé à raconter mon histoire. L'histoire d'un homme battu par sa femme pendant plusieurs années. Oui les violences conjugales faites aux hommes existent. Il faut savoir que tous les 14,5 jours, un homme meurt sous les coups de sa conjointe. Je ne voulais pas être celui-ci. Je suis parti...

L-ios

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