Jour 252 : Nouvelle n°16

- Sur son 31 à NYC -

Se perdre dans New York. Il s'était juré d'éviter cela. Et pourtant. Quelques secondes d'inattention. Il n'en avait pas fallu beaucoup plus. Un instant, aussi rapide que l'éclair. Paul était avec ses amis, au milieu de la foule, en plein Manhattan. Ils étaient cinq. Cinq français venus passer le réveillon du 1er de l'an dans la Grande Pomme. Le rêve américain pour eux. Celui que l'on voit dans les films. Ce moment où l'on se souhaite une bonne année emmitouflé dans sa doudoune en buvant une coupe de champagne sur la terrasse éclairée par de petites loupiotes d'un appartement donnant sur la ville. Là le programme semblait clairement se compliquer.

Paul n'était pas saoul mais les quelques verres qu'il avait bu auparavant dans la soirée lui faisaient tourner la tête. Les gens le bousculant ne l'aidaient pas beaucoup plus à se sentir à l'aise. Paul commençait à avoir chaud. Il avait desserré sa cravate et posé sa veste. Il essayait d'inspirer profondément. Sans trop savoir comment, il avait réussi à sortir de la foule. Il s'en éloignait un peu. Le vent froid de New York le rappelait à la raison. Il remit sa veste.

Il reconnaissait le quartier. Il n'était pas loin de l'hôtel où il logeait avec ses amis. Il avait décidé de ne pas partir à leur recherche. Que pouvait-il en ressortir de positif? Pas grand chose. Il se serait un petit peu plus perdu dans l'immense cité New Yorkaise. De toutes façons, les cinq touristes s'étaient donnés le mot de se diriger vers le quartier de leur hôtel si jamais l'un d'eux se perdait, afin que les autres puissent profiter de la soirée sereinement.

Paul décida de boire un dernier verre avant de rentrer se coucher. Après tout se dit-il, mieux vaut s'alcooliser un peu plus, ce n'est pas tous les jours que l'on fête le réveillon du 1er de l'an à New York. Il se rappellerait de celui ci sans aucun doute. Il décida de rentrer dans le premier venu, le Bedlam Bar.

La musique était assez forte et l'ambiance électrique. Paul regarda sa montre, il était 22h45. Il s'avança au bar et dans un anglais hésitant il commanda une bière. Une brune. La serveuse comprenant à son accent qu'il était français lui sourit. Paul préféra penser qu'elle trouvait son accent sexy plutôt qu'imaginer une quelconque moquerie dans ce sourire. La foule dans le bar était aussi dense qu'il y a quelques minutes plus tôt dans la ville mais Paul se sentait mieux. La musique qui passait lui plaisait. Les quelques gorgées de bière avalées lui firent du bien. Il commençait à se détendre. Il voulu enlever à nouveau sa veste mais au moment où il commençait à tendre son bras il bouscula quelqu'un. Une bouteille tomba à ses pieds et se brisa. De la bière. De la mousse se formait sur le bout de ses chaussures. Aussitôt Paul se retourna, gêné, il commençait à bafouiller un franglais incompréhensible afin de s'excuser sans même regarder la personne qu'il avait en face de lui. Une main se posa sur son bras : " Je suis française! ". A ces mots Paul leva la tête et se retrouva nez à nez avec une très belle fille. Elle lui sourit et se présenta. Elle s'appelait Gabrielle mais tout le monde ici la surnommait Gaby lui dit-elle. Elle vivait aux Etats-Unis depuis une dizaine d'années. Elle était venue comme Paul pour quelques jours et n'était plus jamais repartie. Paul se proposa de lui payer un nouveau verre, ce qu'elle accepta tout en lui souriant de nouveau.

Gaby avait laissé ses amis dans un coin du bar et s'était posée avec Paul au comptoir. Là ils avaient échangé longuement. Paul était troublé par cette femme. Elle avait à peu près son âge. Dans la trentaine. Elle travaillait comme styliste et était passionnée par ce qu'elle faisait. Paul ne pouvait s'empêcher de sourire. Gaby était belle. Elle était ce qu'il avait toujours rêvé. Brune, de grands yeux verts, pas très grande mais diablement sexy. Il faut dire que le tatouage qu'elle avait sur l'avant bras agrémentait le tout. L'alcool aidant, Paul et Gaby riaient et ne voyaient pas le temps passer. Gabrielle semblait vraiment apprécier la compagnie de Paul. Elle n'avait de cesse de lui lancer des regards sensuels. Paul était attiré par cette brune rencontrée par le plus grand des hasards.

Tout d'un coup, ils entendirent les gens se trouvant dans le bar faire le décompte final. Il ne restait que dix secondes avant la fin de l'année 2014. Paul n'avait pas vu l'année passer ni même cette heure en compagnie de Gaby. Lorsque minuit retenti, la foule s'embrassa, le bar s'embrasa. Paul avait le sourire aux lèvres devant tant de joie, il se tourna pour regarder Gabrielle et lui souhaiter une bonne année, celle ci s'approcha de lui et l'embrassa. Etonné il se laissa faire. Il n'y avait plus de bruit autour de lui. Paul était loin. Son cerveau s'était mis en veille. Il profitait de l'instant présent. Il était encore loin de se douter qu'il ne repartirait jamais de New York et que cette nuit allait changer le reste de sa vie. Lui et Gabrielle n'allaient plus se quitter. Paul allait trouver un job dans une petite librairie et continuerait d'écrire en espérant être publié un jour, quant à Gaby, elle monterait sa propre boîte de stylisme. Chaque année, le 31 au soir Paul reçoit le même texto de ses quatre amis et compagnons de voyage : " Alors, tu ne t'es pas perdu cette fois? "

L-ios